→ the best day of my life.Tous les signes étaient là. Dans le fond de la chambre, l’uniforme vert et argent se pliait de lui-même avant de se ranger soigneusement entre d’autres bouts de tissus bien moins symboliques. On pouvait deviner une malle sous le lit, repoussée à l’extrême contre le mur pour bien appuyer le fait qu’on se passera d’elle pour un bout de temps. Sur le bureau, les livres s’empilaient dans un équilibre approximatif, attendant d’être triés et envoyés à ce cousin lointain dont le nom nous échappe, pour qu’il en fasse usage à son tour tout en économisant quelques Gallions par la même occasion. Oui, il n’y avait pas de doute, pour le jeune Graham, l’école était finie. Et là se posait la question à mille gallions: que faire ? Son diplôme en poche, il n’était rien dans le monde magique actif, et pour être honnête James n’avait pas vraiment envie de s’y confronter dans l’immédiat. En effet, un embryon d’idée germait dans son esprit, une pensée malicieuse qu’il pensait exposer au monde – si ce n’est ses parents – d’ici peu. En se levant ce matin, il ne pensait pas ce jour arrivé. Et pourtant.
«Excuse-moi ?!». Son père avait détaché ses syllabes, son ton allant crescendo jusqu’à exprimer son désaccord le plus total. James resta impassible et s’amusa à jouer l’idiot.
«J’ai dit que je souhaitais voyager pendant l’année à venir. Réfléchis-y» continua-t-il avant de se faire couper,
«j’aurais l’occasion de découvrir le monde, la magie sous d’autres formes, d’apprendre ! Je trouverais peut être un métier qui me plait !».
«Il est hors de question que mon fils vagabonde et perde son temps pendant une année entière ! Si tu ne sais pas quoi faire, tu pourrais tenter ta chance au…».
«N’ose même pas…» coupa James d’un ton froid que son éducation ne lui permettait normalement pas d’employer. James ne connaissait que trop bien la suite de cette phrase pour l’avoir entendu plusieurs fois. Et quiconque connaissait James Graham, savait pertinemment qu’on ne pouvait l’enfermer dans un bureau, à noircir des parchemins et passer derrière les autres pour ramasser leurs conneries jusqu’à la retraite. Il n’y avait aucun moyen pour qu’il entre au Ministère, comme son cher père officiant au service des Sports et Jeux Magiques. Mais ce dernier semblait cultiver comme ambition de voir son fils marcher sur ses pas. Quelle belle erreur.
«De toute façon ma décision est prise, il n’y a rien que tu puisses faire» dit-il dans un haussement d’épaule. Son père eu une réaction aussi inattendue qu’angoissante. Un sourire s’étirait doucement sur ses lèvres.
«Dis-moi mon garçon, avec quels moyens comptes-tu vadrouiller un peu partout ?» demanda-t-il, ne faisant aucun effort pour cacher le mépris que cette possibilité lui inspirait.
«Tu n’oserais pas…» repondit James, les traits durcit par la colère sourde naissant dans le creux de son estomac.
«Tu sais bien que si. Je n’ai pas d’argent à gaspiller dans cette fantaisie, et tu sais aussi bien que moi que tes petites économies ne te mèneront pas loin». Le jeune homme se figeait sur place, son regard clair inondant de trahison et de haine, impassible quant à aux mouvements autour de lui. Il ne remarqua pas sa mère rentrer dans la maison, toujours vêtue de sa tenue de médicomage et le visage encré par la fatigue de sa journée de travail. Il ne s’attarda pas sur le hibou s’engouffrant dans la fenêtre du salon pour déposer une lettre dont l’écriture si familière indiquait son nom. Tout ce qu’il savait c’est qu’aussi têtu, dynamique qu’il était, son voyage iniatique ne rimait certainement pas avec des mois de galère et de précarité. Debout dans la maison de son enfance sur les côtes de Brighton, James savait qu’il était piégé.
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«Bonjour Graham !».
«Bonjour Wilson.».
«Comment tu vas ce matin ?».
«…».
«Comme d’habitude à ce que je vois ! Bonne journée !». Le petit homme entra dans un cabinet qui venait de se libérer. James l’imita quelques secondes plus tôt, grimpant dans la cuvette avant d’être aspiré vers les profondeurs. Vers le Ministère. Le Hall grouillait d’employés, comme chaque matin. Et comme chaque matin, James inspirait profondément, les traits fermés, avant de se diriger vers les ascenseurs. Cela faisait désormais 5 ans qu’il travaillait aux services des usages abusifs de la magie, sans doute un des services les plus brouillons et excentriques du Ministère. James avait finalement cédé à son père, et s’était résigné. Après tout il fallait qu’il gagne sa vie. A part s’évader dans les livres et les quelques lettres palpitantes de son ami Tristan, la vie du jeune homme était bien morne. Les grilles dorées se refermèrent devant lui, une nouvelle journée s’annonçait. Compressé entre un homme corpulent du service des transports magiques et un auror peu avenant, James sentit avec difficulté une main s’attarder dans le bas de son dos en une caresse discrète. Un mince sourire s’étira sur ses lèvres.
-Niveau 3, Département des accidents et catastrophes magiques, Brigade de réparation des accidents de sorcellerie, Quartier général des Oubliators, Comité des inventions d'excuses à l'usage des Moldus.James se dégagea, sortit de l’engin en compagnie de quelques notes de service, et se retourna. Elle lui adressa un clin d’œil innocent avant de disparaître vers les hauteurs. Emma. Son amie de jeunesse qu'il avait eu la surprise de croiser dans les couloirs du ministère, son ancienne amie qui innocemment était devenue bien plus au fil du temps. Cela faisait plusieurs mois qu’il entretenait une relation avec elle, ce qui constituait une motivation plus efficace que l’argent pour se lever le matin. En entrant dans son bureau, son équipier enfilait déjà sa veste, soulevant plusieurs feuilles de son bureau jusqu’à retrouver sa baguette. En levant les yeux, le soulagement inonda son visage.
«James, génial tu es là ! Ne pose pas tes affaires, on a sur les bras un rue entière avec des poignées de porte qui refusent de s’ouvrir et insultent les passants !». Une journée normale en somme.
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«Cette casserole ne recrachait-elle pas tout son contenu quand un moldu tentait de cuisiner ?».
«Si».
«Alors pourquoi déambule-t-elle dans la pièce maintenant».
«J’étais curieux…». Jones fronça les sourcils en prenant place derrière son bureau. Les pieds posés négligemment sur son bureau, James faisait tourner sa baguette entre ses doigts, le regard suivant le trajet de l’objet autour de la petite pièce. Il sentait cependant le regard persistant de son collègue sur lui, chose qui l’agaçait au plus haut point.
«Quoi ?» demanda-t-il en le fixant subitement.
«Je...et bien» bafouilla-t-il,
«je pense que tu ne devrais pas trafiquer nos perquisitions…c’est tout».
«Et moi je pense que si tu en étais capable, tu l’aurais sans doute aussi fait à ma place» repondit-il après quelques secondes de silence.
«Ça fait 4h que je suis assis là à rien faire !» pesta-t-il.
«C’est vrai que c’est plutôt calme aujourd’hui…». Un grognement lui répondit. D’un coup de baguette, la casserole se stoppa dans un bruit métallique au pied de la porte. Son collègue eu un petit sourire soulagé.
«Tu es talentueux James, ne gâche pas ça en agissant comme les personne que l’on traque» dit-il avant de quitter la pièce pour se chercher un jus de citrouille. Voila. C’est là. C’est exactement à ce moment que tout bascula. De sa frustration, sa fatigue, sa rancune, qui fut responsable de ça ? Aucune idée. Le fait est qu’à cet instant une idée aussi bête qu’alléchante naquit dans l’esprit de James. Passionné par la métamorphose, il avait passé ses dernières années à lire des bouquins, s’exercer pour comprendre au plus loin les mécanismes de la chose, et devenir ainsi le meilleur dans son travail. Il était aussi devenu assez bon pour trafiquer ces objets assez puissamment pour les rendre plus que difficile à neutraliser. C’est à ce moment qu’il fit l’erreur de contacter un petit repris de justice et de lui proposer d’améliorer ses produits en échange de quelques Gallions. L’erreur était énorme, trop pour qu’il en soit inconscient, mais il n’avait qu’une idée en tête : quitter ce job et amasser assez d’argent pour faire autre chose, voyager comme il voulait à la base ou l’investir dans autre chose. Il avait cependant omis une chose, il n’était plus seul désormais, il n’avait plus le droit d’être égoïste.
«James ? Mais…qu’est-ce que tu fais ?». L’interpelé se retourna vivement, la honte et la peur incrustées dans chaque trait de son visage. Emma se tenait devant la porte de la cuisine, la bouche entrouverte devant le spectacle s’offrant à elle. Son fiancé, un homme inconnu, et une multitude de petits objets animés étrangement sur la table. Tandis qu’elle additionnait 2+2, James ordonna à l’homme de partir. Seuls dans la pièce, le silence pesant le rendait fou.
«Emma, je vais t’expliquer…».
«M’expliquer quoi ?» explosa-t-elle.
«Que celui que je croyais être un honnête homme est en fait un petit trafiquant minable ?». Elle avait raison, horriblement raison, mais James se raccrochait désespérément à la partie de lui qui avait trouvée cette idée judicieuse. Cette petite partie qui lui susurrait à l’oreille qu'il allais bientôt enfin avoir le futur qu’il souhaitait. Cette partie qui semblait d’effacer petit à petit sous le regard triste de la femme qu’il aimait.
«Je me suis trompée sur ton compte…je pensais que tu étais quelqu’un de bien, d’honnête, de droit…» continua-t-elle, chaque mot lacérant un peu plus les entrailles du sorcier.
«Je le suis Emma, je te le jure. J’ai…j’ai pété un câble, ça ne fait que quelques semaines, je n’en peux plus du Ministère, et je croyais que…».
«Que quoi ? Tu n’as aucune excuse, rien ne justifie tes actes. Je me fous que tu fasses ça depuis une semaine ou un an. Tu ne mérites pas de t’abaisser à ce point. Et moi non plus». Elle déposa sa bague sur le comptoir et James sentit son monde s’effondrer. Emma s’en alla, comme leurs projets de fiançailles et tout le reste. Bien que personne n’eut vent de sa courte carrière de fraude, il quitta le ministère, et se laissa aller un bon mois dans sa honte et sa culpabilité. Jusqu’à un matin ou un hibou grand-duc lui apporta la Gazette, avec ce petit article en bas à droite de la page 8 : le professeur Vallenmont prenait sa retraite après 34 années de loyaux services comme professeur de métamorphose à l’école de sorcellerie Poudlard. Poudlard. Les meilleurs années de sa vie. Un écho chaleureux, doux, protecteur le caressa à cette dose de nostalgie . Et ce matin là dans sa cuisine, James n’eut qu’une envie : y retourner.
→ oh, oh, it's magic, you know.James aurait pu s’en agacer. Quelques années plus tôt il n’aurait pas hésité à faire comprendre à son interlocuteur son mécontentement, et n’aurait pu retenir un sarcasme pour briser le silence. Il était bien trop impatient pour supporter le regard, pourtant aussi léger qu’inquisiteur, que le directeur posait sur lui. Mais ça c’était avant. James attendait sagement, plongeant à son tour son regard clair dans celui du maître des lieux, pas le moins du monde gêné de soutenir le regard du grand homme. Seul un léger mouvement périodique de son talon sur le sol trahissait le vestige de son incapacité à rester trop longtemps à la même place sans bouger. Le temps qu’il déplace son regard curieux sur les tableaux des illustres directeurs de Poudlard, l’homme avait joint ses mains sur son bureau. Il semblait avoir reluqué James assez longtemps pour commencer l’entretien. Ce dernier esquissa un sourire imperceptible tandis que sa raison le rappelait à l’ordre face à l’importance de ce qui était en train de se passer.
«Dites-moi Mr. Graham, qu’est ce que ça vous fait d’être de retour à Poudlard ?» entama le directeur d’une voix calme. La question désarçonna un instant le concerné qui ne s’attendait pas à une telle demande en guise d’ouverture des hostilités. Pourtant, depuis qu’il avait transplané devant les grilles de l’école, il avait eu pleinement conscience de ce qu’il ressentait alors.
«J’ai l’impression d’être à ma place. De retrouver ce que je cherche depuis des années : du soulagement, de la satisfaction, de la paix. Et de très bons souvenirs,» acheva-t-il dans un sourire non dissimulé en se remémorant les moments passés avec Tristan, Paul, Lynn et Emma. Emma…il ne laissa pas le temps à ses démons de le rattraper et replongea son regard dans celui du directeur.
«Je crois que le concierge partage quelques uns de ses souvenirs. Sans doute avec un goût plus amer cependant», dit-il d’un air réprobateur que son sourire rendait peu convaincant.
«Si j’ai le poste, je promets de me rattraper auprès de lui, Monsieur» glissa James en se disant qu’il n’était plus à ça près pour promouvoir son entrée dans l’équipe administrative de Poudlard. Un sourire lui répondit avant de disparaître. Le sérieux revenait, ainsi que la prochaine question.
«Pourquoi le poste de professeur de métamorphose vous intéresse-t-il ?».
«J’ai toujours été passionné par cette matière au cours de mes études, j’y avais d’ailleurs d’excellentes notes, et cette curiosité ne m’a pas quitté au cours des dernières années. J’ai beaucoup lu sur le sujet pour me perfectionner, et...je pense que j’ai pas mal réussis.». Il n’était certes pas un expert en la matière comme Tristan pouvait l’être en potion. Il n’avait jamais révolutionné le milieu de la métamorphose, mais il savait que le partage d’une passion pouvait le rendre meilleur professeur qu’un étalage de reconnaissance. Le Directeur hocha lentement la tête, assimilant la chose, avant d’enchaîner.
«Qu’avez-vous fait durant ces dernières années James ?». Son ton était plus curieux que professionnel pour le coup. James sentit sa mâchoire se contracter, comme s’il s’attendait à ce que le Directeur lise en lui ses pêchés, en bon légiment qu’il devait être.
«J’ai travaillé quelques années au Ministère. C’était convenable mais je ne m’épanouissais pas vraiment. Je vous assure Professeur que mon envie d’enseigner ne me mènera pas au même point de lassitude». Le sorcier eu un sourire poli et défit l’étreinte de ses mains pour se lever.
«Et bien Professeur Graham, nous aurons l'occasion de nous revoir au banquet dans ce cas!»